lundi 31 août 2015

L’éditorial de Camara Seydi Moussa : Aminetou Mint Ely… pour quel prix ?

Le prix Nobel de la Paix. C’est certainement le summum de la consécration pour des hommes et femmes qui luttent pour un monde meilleur. Pour qu’elle obtienne cette distinction, des personnalités et organisations à travers le monde soutiennent la militante mauritanienne des Droits de l’Homme, Aminetou Mint Ely, présidente de l’Association des Femmes Chefs de Familles (AFCF).
Si la vocation première de l’organisation qu’elle préside était la défense de la femme dans sa vie et son existence comme un être à part entière et non entièrement à part, Aminetou et l’AFCF sont aujourd’hui sur les rings de tous les combats des droits humains pour un monde civilisé et de tolérance.
Sortie de l’école idéologique kadihine (mouvement de gauche), Aminetou s’évertue à ne jamais trahir l’idéal de la source de son combat, l’idéal d’une Mauritanie libre, juste et de justice. Un idéal devenu la raison de son existence. Son combat a donné sens à la vie et à l’existence de milliers de femmes victimes de violences, filles domestiques, enfants de la rue, esclaves, orphelins et des pauvres parce que femmes.
Aminetou. La femme l’essence même de l’humanité, vous l’avez magnifiée et défendue de tout temps. La fille domestique maltraitée comme esclave, vous l’avez défendue. Les esclaves perdus dans un océan d’idéologie religieuse mensongère, vous les avez défendus.
Et pourtant, mauritanienne et de la communauté qualifiée de dominante qui dirige la Mauritanie, votre réussite économique et politique était assurée si vous aviez accepté de trahir l’idéal d’une Mauritanie juste où tous les citoyens sont égaux en droits et en devoirs.
Aminetou, si les esclaves, les pauvres, les orphelins, les déportés et les exclus mauritaniens votaient pour ce prix, vous n’auriez pas de rivaux ! Comme Biram ou Jemal Ould Yessa, pour ne citer que ceux là - car Dieu sait que les femmes et hommes justes pour une Mauritanie et un monde juste pullulent dans l’indifférence dans ce pays - qui ont fait et continuent de faire pour une Mauritanie égalitaire, Aminetou, votre combat vaut plus qu’une distinction, même si c’est un prix Nobel.
Le Nobel, vous l’avez gagné et continuerait de le gagner.
Ce Nobel-là, c’est d’être aux cotés des esclaves et des défenseurs des causes justes. On se souvient encore que c’était Boubacar Messaoud, Biram (tous les deux nominés à ce prix Nobel, Biram pour une deuxième fois) et vous qui aviez initié une grève de la faim pour protester contre le laxisme de la police concernant l’instruction d’un cas avéré d’esclavage. L’issue était salutaire pour les esclaves car devenus libres, même si les maîtres restent impunis.
C’était là pour la Mauritanie et les Mauritaniens un nouveau départ pour la lutte contre cette abjection. Et, depuis, vous avez été de tous les combats ; c’est votre Nobel.
Contre le racisme. On se souvient aussi qu’à la mise en place des membres du Cyber forum (début 2000) de la société civile, vous avez été la seule voix de votre communauté à dire non au racisme et à l’exclusion de l’élément noir de la Mauritanie des positions clés de ce cadre.
Pour ces combats, vous méritez plus qu’un Nobel ; ce Nobel avec un mode de désignation décrié par un pan entier d’organisations et de militants des droits de l’homme.
Sous Ould Taya, comme certains dignes fils de ce pays qui ont dit non au système, vous avez été l’objet de toutes les brimades et privations, mais, comme un (I), vous êtes restée droite dans votre voile.
Votre tête mise à prix. Vous avez été et restez encore la seule voix pressante à demander un procès juste pour le prisonnier Mkheitir accusé de blasphème à l’encontre du Prophète de l’Islam (PSL). En le faisant, vous n’avez fait que ce que le Prophète (PSL) faisait en son temps la tolérance et la promotion du pardon. Pour avoir soutenu le droit, votre vie est en danger et dans l’impunité le commanditaire de votre mort attend l’exécution de la sentence…

Aminetou, vos combats sont innombrables et vos soutiens pour cette consécration aussi très nombreux. Mais cette consécration n’a jamais été votre préoccupation : votre préoccupation est la Mauritanie. Un engagement pour une Mauritanie juste… quel qu’en soit le prix, pour cela, vous, comme Boubacar et Biram méritez tous les prix.